L'article ci-dessous est paru dans le quotidien Le Bien Public, Dijon, France, pages 1 et 10, le 27 octobre 1954.
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Interviews receuillies par Gabriel HERE
LE NOMBRE des "soucoupes volantes" et d'une façon générale d'engins mystérieux signalés dans le ciel français atteint depuis quelques semaines, un niveau que l'Amérique elle-même (toutes proportions gardées) n'a jamais connu, même au moment de la grande psychose qui s'y est développée en 1952. Des dizaines de gens à la fois affirment avoir observé des disquess, des boules, des cigares, voire des champignons ou des concombres diversement colorés. Et les descriptions de nains ou de géants velus ou revêtus de scaphandres ont été si nombreuses si variées qu'elles ont maintenant tendance à faire sourire.
Les savants et les techniciens eux-mêmes ont fini par s'inquiéter de ces observations renouvelées et de la panique qui pouvait en résulter. A Sainceny [sic], près de Chauny (Aisne), un cultivateur réparant son auto à la lueur d'un phare, n'a-t-il pas failli être tué par un voisin qui le prenant pour un "Martien", tira sur lui deux coups de fusil?
Aucun savant ni technicien n'ayant encore vu de "soucoupe", c'est en s'appuyant sur les innombrables témoignages
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dignes de foi" que quatre hommes, comptant parmi les valeurs les plus sûres de la science, ont bien voulu nous confier leurs sentiment.
Le premier spécialiste français des "soucoupes volantes" est sans doute M. Alexandre Ananoff qui prépare dès maintenant les voyages interplanétaires. Avec de nombreux savants étrangers, il se propose de conquérir la lune, d'abord, puis après ce satellite mort Mars et peut-être Vénus. Il n'a pas manqué d'étudier les conditions de vie sur ses globes perdus dans l'espace interstellaire. Mais ce que la science astronomique lui a enseigné n'est pas encourageant.
- J'aurais été le premier content que les "soucoupes" soient d'origine planétaire: peut-être les Martiens nous auraient-ils permis de quitter plus vite la terre pour visiter l'univers. Mais nous savons que sur mars les conditions de la vie normale ne sont pas réunies. On oublie trop, aussi, que la pesanteur sur cette planète est trois fois moindre que sur la terre. Tel Martien (s'il en était) qui pèserait 50 kilos chez lui aurait l'impression, en débarquant chez nous, de peser 150 kilos. Sur Vénus, la vie est sans doute possible mais un peu comme sur la terre il y a 300 millions d'années, c'est à dire seulement sous la forme végétale. Quant aux autres planètes elles sont trop éloignés.
"Il serait d'ailleurs étrange que ces "visiteurs" n'aient pas encore tendu la main depuis qu'ils sont réputés venir nous observer."
Se souvenant, par contre, de l'avance technique des savants allemands maintenant répandus dans le monde, M. Ananoff croit à la naissance d'engins révolutionnaires.
"Le secret des "V-2" a bien été gardé dix ans, dit-il. Les soucoupes sont peut-être des perfectionnements d'un des multiples projets en cours de réalisation à la fin de la guerre. Leur pilotage est peut être assurée à distance ou par des hommes de petite taille capable de supporter mieux que les grands les fortes accélérations signalées."
Pilote et ingénieur toujours en activité, M. Gabriel Voisin suit l'évolution de la technique aérienne depuis cinquante ans. Des planeurs qu'il pilotait au début du siècle aux avions supersoniques actuels il a vu grandir la science de l'air. C'est pourquoi les extraordinaire facultés d'évolution des "soucoupes" lui font nier leur origine terrestre:
"Il y a pas de technique humaine qui puisse permettre de pareilles performances, des variations de trajectoire et de vitesse comme celle qu'on a indiqué de façon, hélas! trop fragmentaire. Une technique nouvelle est le fruit d'un lent mûrissement dont le monde entier est au courant et auquel tout le monde collabore. La découverte n'est que le rayon de soleil qui fait éclore la fleur nourrie par toutes les racines.
- Faut-il en déduire qu'il n'y a pas de "soucoupe volante"? L'univers est vaste et nos notions de durée et de distance peuvent n'avoir aucun rapport avec celles d'autres êtres. Il y a bien, sur la terre même, dans la fameuse Vallée des Géants, des arbres vieux de 2.000 ans.
- Il faut avoir un peu d'imagination et c'est aux astronomes de répondre."
Le père des avions révolutionnaires qu'on baptisa "tuyau de poële volants" n'a pas manqué de s'intéresser aux engins mystérieux qui semble entrer notre ciel. Pour lui aussi, le manque de précision des "témoignages" constitue un handicap. Mais les performances extraordinaires dont les "soucoupes" et "cigares" seraient capables l'étonnent également, lui qui crée l'avion de demain:
"L'état actuel de la technique de permet pas d'imaginer un engin susceptible, à la fois, de s'immobiliser en l'air et d'atteindre en quelques secondes les vitesses prêter aux "soucoupes". Un tel appareil, mû par l'énergie thermique, aurait besoin d'une effarante quantité de carburant, si l'on admet qu'il vient d'Amérique ou de Russie, et au lieu de 10.000 calories, il en exigerait 100.000 par kilo de carburant. L'énergie atomique, de son côté, n'est pas suffisamment domptée pour faire voler des appareils d'aussi petite taille.
Il souligne cependant:
"Il y a impuissance dans l'état actuel de notre technique. Mais il n'est pas inconcevable d'imaginer que des êtres pensants (cas de l'origine extraterrestre) soient en avance sur nous. On ne saurait non plus nier le progrès. De quoi serons-nous capables dans 50 ans! Les systèmes de propulsion que nous utilisons sont encore très grossiers et n'ont qu'un rendement énergétique ridicule."
M. Leduc, spécialiste de l'énergie thermique, a tout naturellement relevé d'abord les difficultés qui surgiraient sur le plan de la propulsion. C'est son domaine. Mais il note aussi:
"Au cours de leurs accélérations foudroyantes, les "engins non identifiés" n'ont jamais fait retentir le "bang" caractéristique du vol supersonique. Nous savons aussi que le frottement de l'air, à 4.000 kms.-h., porterait la température des parois de l'engin à 600°... bien qu'on puisse concevoir, d'une part, qu'un matériau de revêtement résiste à cette température et, d'autre part, une partie de l'énergie du carburant serve au "conditionnement" de l'habitacle et de la structure."
M. Leduc réfléchit un court instant, mais c'est pour conclure:
"Je persiste à penser qu'aucun humain n'est capable de réaliser actuellement des machines aussi ahurissantes. Quel nation d'ailleurs, qui aurait réalisé ces engins extraordinaires, leur ferait survoler d'autres pays au risque de voir une panne, toujours possible, compromettre son secret?"
Et après une dernière hésitation:
"Les soucoupes volantes viendrait-elle donc d'un autre monde?"
Les astronomes capables de calculer avec exactitude l'heure des éclipses, de peser les astres et de déterminer leur trajectoire, voire d'analyser l'atmosphère qui baigne des planètes voisine, ne sont pas sensibles aux à peu près des descriptions de "soucoupes" qui nous sont quotidiennement faites. M. Danjon, directeur de l'Observatoire de Paris, nous donne une conclusion tranchante en constatant:
"Tous les "témoignages" qui ont pu être vérifiés étaient des canulars ou le fruit d'imaginations maladives. Les "soucoupes" sont une nouvelle forme de l'éternelle croyance au merveilleux: les "visions" qu'on nous décrit complaisamment relèvent de la psychopathie et non de l'astronomie."
Si par rigueur scientifique les techniciens préfèrent ne pas être absolus, hors de leurs compétences, chacun, au moins, nie l'existence possible des soucoupes dans son domaine.
Les fameux engins ne seraient-ils donc vraiment qu'un mythe?
Gabriel HERES