Outre l'importance intrinsèque de la découverte, je tiens à rappeler bri!vement - j'ai développé ailleurs - un point tout aussi important.
Les atterrisseurs Viking ew la NASA, en 1976 et 1977, ont été les sueles sondes à se poser sur le sol de Mars avec des équipements permettant de déctecter évebtuellement des traces de vie.
L'expérience LR de Viking consistait à prélever du sol Martien, à lui ajouter des nurtiment et à vérifier si des gaz, signe de métabolisme, étaient produits.
Cela a été fortement le cas, et il a été initialement annoncé qu'il y a de la vie sur Mars.
Puis on a rejeté ce résultat avec trois arguments principalement. L'un était que cela ne devait pas être une activié métaboliques mais une certaine activité chimique. On a oublié qu'après stérilisation dans l'expérience LR, les signes de métabolisme avaient disparu, ce qui avait justemet été prévu pour éviter de confondre chimie et métabolisme.
L'autre était qu'une autre expérience à bord de Viking avait sonné des résultats peu clairs, et qu'un autre avait été négative. On avait oublié que s'il y avait eu plusieurs expériences, ce n'était pas en décidant qu'elles devaient toutes donner des résultats positifs, mais en estimant que puisqu'une vie Martienne pourrait ne pas être détectée car de nature inconnue, il valait mieux multiplier différentes expériences.
Le troisième argument était que l'expérience qui consistait à tenter de détecter des matières organiques sur Mars n'en avait pas trouvé. Cette fois, il va de soi qu'il est assez raisonable de dire que s'il n'y pas pas de matière organique, il n'y a pas de vie. Mais...
D'une part, testé à nouveau sur Terre, l'expérience qui n'a pas trouvé de matière organique sur Mars n'en n'a pas trouvé sur Terre non plus. L'expérience avait simplement été un échec technique, pas une preuve d'absence de matièRe organique sur Mars.
D'autre part, et cet article en est un élément de démonstration, ily a bien de la matière organique sur Mars.
Dès lors, au vu de cla et de quelques autres faits découverts depuis lors, il aurait fallu revoir le résultat prétendument négatif de Viking. Peu de scientifiques on bien voulu l'admettre.
Par Caroline Freissinet, chercheur post-doctorant au NASA Goddard Space Flight Center, équipe SAM.
L'équipe de l'instrument Sample Analysis at Mars (SAM) a confirmé la détection in situ de molécules organiques chlorées dans l'un échantillon de roche martienne. SAM (Figure 1) est l'un des dix instruments en activité du rover Curiosity de la mission Mars Science Laboratory (MSL). Curiosity arpente aujourd'hui la base du Mont Sharp du cratère Gale dans lequel il s'est posé en août 2012. SAM, dont Paul Mahaffy du centre NASA Goddard Space Flight Center du Maryland est le responsable, est un véritable laboratoire chimique qui analyse aussi bien la composition de l'atmosphère que celle d'échantillons de sols et de roches, permettant d'apporter des informations sur leur minéralogie et leur contenu en matière organique. C'est sur un échantillon issu du forage d'une roche de la formation géologique de Yellowknife Bay (Figure 2) que SAM a révélé la présence de molécules organiques. Si ces espèces chimiques, composées au moins d'atomes de carbone et d'hydrogène, sont les briques de toute forme de vie terrestre, les molécules organiques peuvent également être produites par des réactions chimiques abiotiques. Les résultats de l'équipe ne permettent cependant pas de différencier entre une origine biologique ou géochimique de la matière organique découverte.
Figure 1: L'instrument SAM qui a détecté des molécules organiques martiennes est subdivisé en trois instruments : le spectromètre laser ajustable pour la mesure des isotopes et du méthane, le chromatographe en phase gazeuse pour la séparation des molécules et le spectromètre de masse pour leur identification. Crédit image NASA-GSFC.
Si la surface de Mars apparait être aujourd'hui un environnement inhospitalier pour la vie, il est maintenant admis que l'atmosphère martienne était plus dense et que de l'eau liquide était pérenne à sa surface dans un lointain passé. Les derniers résultats de la mission MSL ont notamment démontré la présence d'un vaste lac de 150 km de diamètre remplissant le cratère Gale. Mars semble alors avoir été plus chaude et plus humide par le passé, et la présence de molécules organiques ne fait que compléter la liste des ingrédients nécessaires à l'émergence d'une forme de vie. Ces molécules réduites sont à la fois des briques et des sources d'énergie utilisables par une forme de vie simple pour se développer. On pense que sur Terre, la vie est apparue il y a environ 3,8 milliards d'années, et nos résultats montrent qu'au moins certaines régions de Mars ont rassemblé des conditions similaires à celles de la Terre à ce moment. Si la vie a pu se développer sous ces conditions sur Terre, alors pourquoi pas également sur Mars?
Figure 2: Autoportrait de Curiosity à Yellowknife Bay. Le trou résultant du premier forage (John Klein) est visible sur la roche, à coté du trou d'essai. Cumberland a été foré ultérieurement à 2,75 m de John Klein. Crédit image NASA/JPL-Caltech/MSSS
Les molécules organiques détectées par l'équipe se trouvent dans un échantillon au site dénommé Cumberland (Figure 3). L'échantillon a été prélevé par forage dans une roche argileuse ancienne de 4 milliards d'années et composée de 20 % de smectite. Les argiles sont considérées comme ayant des bonnes propriétés de concentration et de préservation de la matière organique, de par leur grande surface de contact et leurs espaces disponibles entre les couches. Cependant, la présence d'oxydants dans les sols, le rayonnement ultraviolet en surface, et la pénétration des rayonnements cosmiques et solaires en sous-sol (jusqu'à 2-3 mètres de profondeur) font de la surface de Mars un environnement hostile pour les molécules organiques. Mais bien que vieux de 4 milliards d'années, l'échantillon de Cumberland n'a été exposé aux rayonnements cosmiques et solaires que lors de son excavation au cours des 78 derniers millions d'années (Farley et al. 2014), une chance pour la préservation des molécules organiques!
Figure 3: Carte représentant le trajet de Curiosity depuis son site d'atterrissage Bradbury jusqu'à Pahrump Hills à la base du mont Sharp. Les sites d'échantillonnage pelleté (Rocknest) et forés (John Klein, Cumberland et Confidence Hills) sont représentés. La détection de molécules organiques endogènes à l'échantillon a été positive à Cumberland seulement. Crédit image Fred Calef, NASA/JPL-Caltech, Caroline Freissinet.
Les molécules organiques détectées à Cumberland sont toutes chlorées : chlorobenzène, dichloroéthane, dichloropropane et dichlorobutane (Figure 4). Le chlorobenzène est le plus abondant avec des concentrations allant de 150 à 300 ppbm (partie par milliard, en masse). Bien que la présence de ces molécules sous cette forme soit possible dans l'échantillon martien, il est plutôt considéré que des précurseurs organiques étaient présents dans l'échantillon, et qu'ils ont été chlorés par réaction avec des perchlorates lors de la phase de pyrolyse (chauffage) de l'échantillon dans le four SAM. Les perchlorates (un atome de chlore lié à 4 atomes d'oxygène) sont des oxydants extrêmement puissants lorsqu'ils sont chauffés, et on pense qu'ils sont aujourd'hui présents sur l'ensemble de la planète. En plus de l'O2 qu'ils libèrent qui va consumer les molécules, les perchlorates peuvent également libérer du chlorure d'hydrogène (HCl) et du dichlore (Cl2). Ces molécules chlorées sont fortement réactives sous l'effet de la chaleur, et réagissent avec les molécules organiques présentes dans l'échantillon pour former les espèces organiques chlorées détectées par SAM. L'identité et l'origine des molécules précurseur demeurent incertaine ; elles ont pu être formées sur Mars par des processus hydrothermaux, atmosphériques ou biologiques, ou bien apportées par des météorites, des micrométéorites ou des comètes. La présence simultanée de perchlorates et de molécules organiques fait croître l'intérêt des bactéries réductrices de perchlorates, qui tirent leur énergie du cycle redox du chlore, comme Dechlorimonas agitates ou Paracoccus halodenitrificans, et qui pourraient être une preuve de la capacité d'organismes vivants à vivre dans les conditions chimiques qui règnent à la surface de Mars.
Figure 4: Comparaison d'un chromatogramme obtenu pour un échantillon de Cumberland avec le chromatogramme résultant d'un blanc (même expérience sans échantillon). Les molécules organiques chlorées composées de 2 à 6 atomes de carbone sont présentes dans l'échantillon à des abondances significativement plus élevées que dans le blanc, attestant du caractère endogène de ces molécules à l'échantillon martien. Crédit image Caroline Freissinet.
La détection et l'identification des molécules organiques ont été effectuées par l'analyse en spectrométrie de masse des gaz libérés par l'échantillon en fonction de sa température, et par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (Figure 4), deux modes de détection de SAM. Les échantillons de sol analysés étaient composés de ~45 mg de roche broyée et tamisée à des tailles de particules < 150 mm, et ont été chauffés jusqu'à 900 ºC. Le premier signal positif de chlorobenzène et de dichloroalcanes a été obtenu au sol (journée martienne) 290, soit le 30 mai 2013, lors de l'analyse du 3ème échantillon provenant de Cumberland, après que certains paramètres analytiques de l'instrument SAM aient été changés. Cette détection a été confirmée lors d'analyses ultérieures (Figure 5). Il est important de noter ici que le chlorobenzène avait déjà été détecté pour toutes les analyses d'échantillons solides, mais à un niveau de fond faible et constant de 3 à 10 pmol, bien en-dessous des abondances détectées dans les échantillons de Cumberland. C'est une des raisons pour lesquelles l'équipe SAM a passé plus d'une année à analyser minutieusement les résultats, réalisant des études de laboratoire visant, entre autre, à comprendre en détail les sources de carbone possibles intrinsèques à l'instrument (donc terrestres), avant de pouvoir conclure avec certitude que la détection provenait de l'échantillon, donc de Mars. Comme le dit Danny Glavin, scientifique de l'équipe SAM au NASA-GSFC et deuxième auteur de l'article à paraître prochainement dans Journal of Geophysical Research: Planets : « la recherche de molécules organiques sur Mars est extrêmement difficile. Il s'agit tout d'abord d'identifier les environnements du cratère Gale susceptibles de concentrer les molécules organiques dans les sédiments. Ces molécules doivent ensuite survivre à la transformation de ces sédiments en roches (diagénèse), où la percolation de fluides et de diverses substances dissoutes peut oxyder et détruire les molécules organiques. Ces molécules peuvent ensuite être détruites lors de l'exposition des roches aux radiations ionisantes intenses et aux oxydants de la surface et sub-surface de Mars. Enfin, pour pouvoir identifier les composés organiques qui auront survécu jusque-là, nous devons faire face à la présence de perchlorates et d'autres oxydants potentiels dans l'échantillon, qui vont réagir et/ou consumer les molécules organiques en dioxyde de carbone et former des hydrocarbures chlorés lorsque les échantillons sont chauffés dans SAM. »
Figure 5: Quantité de chlorobenzène (en picomoles) détectée au cours des différentes analyses de sols et de roches prélevés par Curiosity : chronologiquement Rocknest, John Klein, Cumberland et Confidence Hills. La présence de chlorobenzène au dessus du niveau de fond est attestée à Cumberland. Cette quantité retombe au niveau de fond dans les analyses postérieures, validant une détection de molécules organiques dans l'échantillon à Cumberland. Le spectre de masse du chlorobenzène (noir, NIST) est comparé à celui obtenu avec SAM (rouge) en insert. Crédit image Caroline Freissinet/NASA/JPL-Caltech/MSSS.
La découverte de ces molécules organiques dans une roche ancienne ouvre de nouvelles perspectives quant à la recherche de molécules plus complexes. Outre l'importance qu'elle revêt pour fournir le contexte d'environnements habitables et trouver une zone localisée favorable à l'émergence d'une forme de vie, elle nous permet également de mieux comprendre où chercher dans le futur, quelles roches sédimentaires représentant des environnements particuliers sont les plus favorables à l'accumulation et à la préservation de matériel organique. Si des traces chimiques de vie ont un jour été produites sur Mars, nous savons maintenant qu'elles sont susceptibles d'y persister jusqu'à aujourd'hui, et peuvent y être trouvées et étudiées par les robots d'exploration martienne présents et futurs. Le challenge maintenant pour Curiosity est de trouver d'autres roches cibles sur le Mont Sharp, et qui auraient un inventaire différent et plus riche en composés organiques.
Cette projection dans l'ancien Mars est une étape importante pour la compréhension de la présence et la diversité de signatures moléculaires prébiotiques ou biotiques en milieu extraterrestre. La récente annonce de libération localisée de méthane dans l'atmosphère martienne (Webster et al., Science 2014), ainsi que la détection de molécules organiques dans une roche, laissent penser que la planète rouge a été et est beaucoup plus active qu'on ne le pensait jusqu'alors. Mais jusqu'où Mars continuera-t-elle de nous surprendre?
Organic molecules in the Sheepbed Mudstone, Gale Crater, Mars.
C. Freissinet, D. P. Glavin, P. R. Mahaffy, K. E. Miller, J. L. Eigenbrode, R. E. Summons, A. E. Brunner, A. Buch, C. Szopa, P. D. Archer Jr, H. B. Franz, S. K. Atreya, W. B. Brinckerhoff, M. Cabane, P. Coll, P. G. Conrad, D. J. Des Marais, J. P. Dworkin, A. G. Fairén, P. François, J. P. Grotzinger, S. Kashyap, I. L. ten Kate, L. A. Leshin, C. A. Malespin, M. G. Martin, F. J. Martin-Torres, A. C. McAdam, D. W. Ming, R. Navarro-González, A. A. Pavlov, B. D. Prats, S. W. Squyres, A. Steele, J. C. Stern, D. Y. Sumner, B. Sutter, M-P. Zorzano, and the MSL Science Team.
Note:
En lisant l'article, on pourrait assez logiquement se demander si les perchlorates étaient la cause chimique, plutôt que métabolique, du résultat positive de l'expérience Viking LR. Il n'en est pas ainsi:
Cependant, les perchlorates ne peuvent pas wxpliquer les données Viking LR car les perchlorates sont stables dans toutes les conditions thermiques de l'expérience Viking LR, y compris le contrôle à 160 °C (Quinn et al., 2013).
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