L'article ci-dessous est paru dans le quotidien France Soir, Paris, France, page 6, le 29 octobre 1954.
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Gros émoi, l'autre soir à la gare de marchandises de Creil (Oise): un Martien se promener parmi les voies. Un Martien, semble-t-il, des plus authentiques, au visage dissimulé sous un étrange masque percé de trous phosphorescents.
Des cheminots se lancèrent à sa poursuite. Après un savant mouvement tournant, vingt d'entre eux, conduits par un chef de train, parvinrent à le bloquer dans la cour du dépôt.
- Attrapez-le, cria-t-il à ses troupes. Il y a une prime!
Mais le Martien dirigea sur lui, à travers un orifice de son casque, le faisceau d'une lampe; le terrifiant faisceau vert si souvent décrit. En même temps, il se rua à vers ses poursuivants en poussant des glapissementa.
Les vingt cheminots et leur chef, saisis de panique, refluèrent vers la gare, ils y tinrent incontinent un conseil de guerre. Ils étaient en train d'arrêter une nouvelle tactique d'encerclement quand un de leurs camarades - Georges Ollivier - vint les rejoindre:
- Tu n'a pas vu le Martiens? lui demandèrent-ils.
Georges Ollivier n'avait pas vu le terrifiant personnages. Et pour cause! Le Martien, c'était lui. Il laissa toute la nuit ses camarades dans l'inquiétude. Enfin, il les mit au courant.
Mais entre-temps, de nombreux trains avaient quitté le dépôt de Creil pour différentes destinations. Les mécaniciens, les contrôleurs avaient dans chaque gare où ils s'étaient arrêtés, relatée comment un Martien avait atterri à Creil. Le lendemain, de Lille au Bourget, de Dunkerque à Longwy, sur tout le réseau du Nord, des milliers de cheminots étaient prêts à jurer que Creil était aux mains des Martiens.
Georges Ollivier est le premier surpris de l'ampleur qu'a pris son canular.
- La veille, raconte-t-il, nous avions, à l'atelier, parler des Martiens. Je voulais faire une bonne farce à mes camarades. Je mis plusieurs heures à confectionner mon équipement de Martien. Je fabriquais le casque avec un vieux bidon à huile. Je le perçais de quatre trous: trois à l'endroit du front et un à l'endroit du nez. Je fixais, derrière, une lampe électrique dont je peignis l'ampoule en vert. J'ajoutais deux "antennes" faites avec des bobines de téléphone. Je me taillais un scaphandre dans un vieil imperméable de femmes en nylon. Ainsi affublé, je pénétrais dans le dépôt. Je me tenais accroupi pour ramener ma taille à celle d'un "Martien moyen", et j'avançais par bonds, à pieds joints. Je n'ai jamais autant ri.
Les chefs de service des cheminots ont diversement apprécié la plaisanterie. Mais Georges Ollivier avait pris la précaution de se livrer à cette farce avant l'heure normale de sa prise de service. En sorte que l'administration, se montrant "fair-play", a pris le parti de rire.