L'article ci-dessous est paru dans le quotidien France Soir, Paris, France, pages 1 et 8, le 13 octobre 1954.
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Une enquête d'André FONTAIN et Jacques BERGEAL
Les soucoupes volantes sont devenues le problème du jour. Des témoignages de plus en plus nombreux sont produits par des gens qui, de bonne foi, affirment avoir observé des engins mystérieux. Réalité encore inexpliqué ou fiction collective, les soucoupes volantes sont l'inconnue de cette fin 1954.
"France-Soir" ouvre le dossier. Nous ne prétendons pas apporter de réponse certaine à la question. Nous nous proposons de vous raconter comment ces engins mystérieux ont apparu dans notre univers, comment à partir de la stupeur d'un pilote américain, il y a plus de sept ans, le nombre de témoignage s'est accru de mois en mois jusqu'à cette vague de fond qui, aujourd'hui, paraît submerger notre pays.
Après ce récit, dans lequel on apportera les hypothèses avancées aux différentes époques d'observation, "France-soir" publiera les opinions autorisées de savants et de techniciens français de la physique, de l'aviation, de l'astronautique et de l'astronomie.
Nous aurons ainsi fait le point - provisoire - dans un problème en plein développement.
Le ciel de France paraît maintenant être obscurci par le vol d'innombrables engins mystérieux. Ces aéronefs anonymes sont parfois des disques, parfois des cigares, parfois des entonnoirs. On vient de nous signaler quelque chose que l'on s'excuse de nous définir comme un... pot... de chambre.
Ces machines volantes, en dépit de la diversité de leurs aspects, ont quelques caractéristiques communes. Elles sont ultra-rapides. Les observateurs accidentels qui en ont eu la révélation parlent de vitesse de l'ordre de 6.000, 8.000, quand ce n'est pas 12.000 ou 14.000 kilomètres à l'heure.
Elles sont généralement silencieuses. Leur accélération est foudroyante. Elles peuvent prendre des virages à 90 degrés sans ralentir leur prodigieuse allure. Elles sont entourées d'un halo lumineux, tantôt orange et tantôt verdâtre. Elles disparaissent dans l'espace.
Enfin l'on prête plus volontiers une origine extraterrestre à ces "engins volants non identifiés", et plus précisément encore une origine martienne. Et l'on parle maintenant quotidiennement, de "soucoupes volantes". On en parle dans le métro, dans la rue, au café ou à l'atelier. Les "soucoupes volantes" sont entrées dans notre vie de chaque jour. Elles sont, pour l'homme de 1954 ce que devait être l'annonce de la fin du monde pour l'homme de 999. L'an 1000 n'a pas apporté la fin du monde.
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L'an 1955 dira peut-être ce que sont les soucoupes volantes.
Aujourd'hui, dans la plus raisonnable des possibilités, elles ne sont encore que des hypothèses.
Telles quels sont, cependant, dans leur mystérieux et redoutable imprécision, elles couvrent le territoire français d'un réseau multiforme, fugace, mais omniprésent.
Cette armada qui hante notre ciel, elle s'est d'abord montrée aux Etats-Unis. C'est là qu'est apparu le premier engin non identifié, et c'est le 24 juin 1947, exactement.
L'affaire, depuis, a fait du chemin...
Elle commence donc le 24 juin 1947. Il fait très beau. M. Kenneth Arnold pilote son avion personnel à 3.000 mètres environ au-dessus de l'Etat de Washington.
Une vive lueur accroche son regard, et il compte, alignés en file indienne, neuf disques brillants qui, comme reliés les uns et les autres, se déplacent à très grande vitesse. M. Arnold pense qu'ils volent à 2.000 kilomètres à l'heure. Cette vision étrange dure deux ou trois minutes, puis s'évanouit.
M. Kenneth Arnold va se poser à Yakima, et raconte son aventure.
La soucoupe volante est dorénavant révélée aux hommes. Elle va désormais s'étendre, proliférer, envahir le continent américain. Un récit de M. Kenneth Arnold à peine publié, vaut aux journaux des avalanches de témoignages. On n'y attache pas trop d'importance, encore que chaque nouvelle information, incontrôlée et incontrôlable, entraine un Niagara de récits où les disques volants jouent un rôle de plus en plus menaçant.
Quinze jours se passe dans cette fièvre qui ne s'apaise pas et voici qu'apparaissent, dans le ciel de Californie cette fois, et dans des circonstances plus troublantes encore, deux mystérieux objets volants.
C'est le 8 juillet 1947. A l'aérodrome de Muroc, on procède, dans le secret, aux essais d'un nouvel avion supersonique. Deux engins "en forme de disques ou de se sphères" évoluent à 3.000 mètres au-dessus du terrain. Ils disparaissent au bout de quelques minutes.
L'idée, si l'on peut dire, est dans l'air. Un pilote de ligne, volant vers Seattle, rencontre quatre disques "lisses au-dessous et bosselés au-dessus"... Pour l'américain moyen, la soucoupe est partout.
Pour le capitaine aviateur Thomas F. Mantell, elle est la mort. Mantell est la première victime des soucoupes volantes.
Il appartient à l'escadrille de chasse de Mustang P-51, à Godman Field, dans le Kentucky.
Le 2 janvier 1948 la tour de contrôle est avertie qu'un "objet circulaire ayant 90 à 100 mètres de diamètre a été signalé à moins de 130 kilomètres."
Un quart d'heure plus tard, le sergent de la tour de contrôle, M. Blackwell, voit l'objet au-dessus de l'aérodrome. Il en avertit ses chefs. Ceux-ci se précipitent sur le terrain. Tout le personnel de la base y est bientôt rassemblé. L'engin évolue, il paraît énorme: plusieurs centaines de mètres de diamètre. Une lueur rouge le cerne.
On lance enfin l'escadrille de Mustangs sur l'objet. Trois appareils s'élèvent. Le capitaine Mantell pilote d'un des chasseurs.
Mantell prend de l'altitude. A 14 h. 43, il annonce par radio qu'il s'approche de l'objet.
A 15 h. 15, Mantell fait savoir qu'il continue de monter vers l'objet. Deux des chasseurs abandonnent. Mantell, seul, fonce vers son but mystérieux. Il dit:
- Je monte à 6.000 mètres. Si je ne me suis pas rapproché, je reviens.
Mantell s'élève ainsi à 8.000 mètres. On suppose qu'il a perdu connaissance. Il n'a pas d'appareil à oxygène. L'avion avenue continue sur sa lancée. Il atteint sans doute 10.000 mètres, puis pique du nez. Chute terrifiante. L'avion éclate, se disloque, Ses débris tombent au sol. Le capitaine Mantell est mort.
Ça pourrait être un conte philosophique, que cette poursuite d'une insaisissable chimère, et cet échec mortel.
Mais était-ce une chimère? L'Amérique entière se pose la question.
Les savants répondent par deux hypothèses qui, toutes deux exclut celle que les américains préfèrent au fond de leur coeur: l'objet mystérieux, et qui défend son secret en tuant l'imprudent qu'ils approchent.
Cette mythologie et répudiée par les techniciens qui avancent que:
1. IL PEUT D'AGIR DE LA PLANETE VENUS. Le professeur d'astronomie Hynek, qui enseigne l'université d'Ohio, et qui est l'un des experts commis dans l'enquête ouverte, déclare que la position de Vénus, le jour de l'accident, est à peu près celle de l'objet poursuivi par Mantell. Le docteur Lamgmuir, prix Nobel de physique, affirme de son côté que, le jour où Mantell s'est tué, Vénus était proche d'une de ses périodes d'éclat extrême. (La thèse Hynek sera confirmée par le savant lui-même à l'aérodrome de Godman Field, où l'on observe un nouvel "objet" brillant. Cet objet, c'est Vénus.
2. IL PEUT S'AGIR D'UN BALLON-SONDE DE LA MARINE: Ces ballons peuvent s'élever à 35.000 mètres d'altitude, et se dilatent en prenant de la hauteur, jusqu'à atteindre le diamètre de 28 mètres et l'épaisseur de 35 mètres. Lorsque l'observation est terminée, les appareils de mesure sont largués automatiquement et descendent par parachute. Quant au ballon, il éclate et ses débris, accrochant le soleil, ne manquent pas d'intriguer celui qui, du sol, les voit évoluer dans le vent...
Ces explications rationalistes déçoivent le public américain qui reprend espoir lors de la publication d'un ouvrage gros tirage, un best-seller bientôt, dans lequel l'auteur Franck Scully, résolument convaincu de l'existence des soucoupes volantes, répudie la version officielle de la mort de Mantell.
Il avance celle-ci: l'objet poursuivi par Mantell est occupé, dirigé par un mystérieux équipage. L'équipage voit le Mustang le prendre en chasse. Il se croit menacé, il fait alors usage d'une arme aussi mystérieuse que le reste: il dirige sur l'aviateur américain un "rayon de la mort", que Scully définit comme un "rayon de démagnétisation", ce qui provoque la désintégration instantanée du Mustang et de son pilote.
Cette hypothèse, dans laquelle on ne distingue pas entre la fiction et la science, accrédite l'idée que les soucoupes volantes existent réellement et elle séduit d'autant plus que l'auteur attribue aux engins une origine extraterrestre. Sur cette lancée qui agite les imaginations, Vénus et Mars entrent dans le circuit.
Quant au premier observateur d' "objets", il déclare à la radio qu'après tous ces engins que l'on appelle soucoupe n'ont avec cette pièce de vaisselle qu'une ressemblance assez lointaine.
Kenneth Arnold, parrain involontaire des soucoupes volantes, n'en a pas moins apporté au monde la révélation d'un phénomène encore inexpliqué.
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