L'article ci-dessous est paru dans le quotidien La Bourgogne Républicaine, Dijon, France, le 7 août 1953.
|
Depuis une dizaine de jours, nous avons reçu de nombreuses lettres de nos correspondants ou lecteurs, au sujet du mystérieux engin aérien observé au-dessus de la région. Ne pouvant toutes les publier, nous en donnons l'essentiel.
On peut citer comme principaux points d'observation: Salins, Arbois, Dole, Verdun-sur-le-Doubs, Le Creusot.
De tous ces endroits, les indications concordent sensiblement: grosseur apparente: une pièce de cinq france; direction dans laquelle se trouvait l'engin: Ouest-Sud-Ouest; Angle d'observation : 60 à 70°.
Une remarque s'impose: Salins et Le Creusot sont distants, a vol d'oiseau, de 120 kilomètres. Or, pour les observateurs de l'un et l'autre endroit, l'objet est au même point du ciel, et ne semble pas plus proche aux habitants du Creusot qu'à ceux de Verdun-sur-le-Doubs. L'un des témoins le vit d'abord de cette dernière localité, puis, quelques instants plus tard, du Creusot. "Je l'ai vu exactement à la même place, dit-il, comme je vois l'étoile polaire à la même place, de deux endroits différents!"
L'objet devait donc se trouver très à l'ouest, est très haut. Compte tenu de l'étendue de la zone dans laquelle il a été observé, et d'après les renseignements que nous ont donné des spécialistes de l'observation aérienne, l'altitude minimum requise pour qu'ils soit aperçu de si loin serait de 20.000 mètres environ. Mais cet ordre de grandeur détermine du même coup les dimensions minima de l'engin pour qu'il ait été perceptible aux distances indiquées: elles sont ahurissantes: 180 à 200 mètres de diamètre. Et plus considérables encore si l'engin se trouvait à une altitude supérieure à 20.000 mètres!
Ces chiffres détruisent totalement l'explication aéronautique. Aucun de ces engins, couramment utilisés, ne dépasse quatre mètres de diamètre à 18.000 mètres d'altitude. N'oublions pas, d'autre part, qu'un ballon ne saurait rester immobile en direction et surtout en altitude, pendant une telle durée. C'était donc autre chose qu'un ballon.
Second point qui semble définitivement éclairci: les traînées de condensation attribuée par certains au mystérieux objet. Or, il y a peu près établi que des avions à réaction évoluaient dans le secteur au même moment, et à très haute altitude. Il est plus que vraisemblable que ce sont leurs trajectoires qui se sont superposés au disque et ont entraîné la confusion.
On ne saurait donc retenir ce détail, somme toute secondaire.
Certains ont émis l'hypothèse d'une planète visible en plein jour. Double objection: une planète a un mouvement apparent et sa rotation autour de la voûte céleste est nettement perceptible dans un laps de temps réduit.
D'autre part, une planète visible de jours, l'eut été, a fortiori, à la nuit tombée. Or, l'objet mystérieux a perdu son éclat comme disparaissait le soleil. Il n'était donc pas lumineux par lui-même, et réfléchissait la lumière solaire.
Ni ballon et planète! Alors de quoi s'agit-il? Une hypothèse soumise est celle d'une masse gazeuse à haute altitude. Il semble pourtant que les témoins qui ont observé à la jumelle, aient tous distingué des contours très nets, matériels. L'un d'eux a même pu donner une description assez détaillée.
On le voit, les hypothèses sont peu nombreuses, et "clochent" toutes par quelque point.
Sans être catégoriques, et affirmer qu'il ne peut s'agir que d'une soucoupe volante, on ne peut s'empêcher de faire le rapprochement avec la dramatique aventure du capitaine Mantell, qui poursuivit un disque "igantesque, d'un beau métal poli, et d'au moins 150 mètres de diamètre" avant de s'écraser au sol.
Rappelons que le fameux disque [ballon de haute altitude] avait été aperçu simultanément de localités situées à 250 kilomètres de distance, et qu'une triangulation établie à la demande de la commission d'enquête, par le professeur Hyneck [sic], de l'Université de Chicago, avait donné comme résultats: altitude, 50.000 mètres; dimension. 200 mètres de diamètre!
Etait-ce l'un de ces fantastiques engins que plusieurs milliers de personnes ont vu lundi? Serait-ce, comme certains experts américains l'ont suggéré en d'autres occasions, une base relais d'observation, venue du fond de l'espace et qui, tel le satellite artificiel, dont les hommes rêvent désormais, serait stationné à quelques dizaines de kilomètres du sol, et qui, de temps à autre, descendrait pour effectuer des observations plus précises et poser, en même temps, aux habitants de notre planète, un irritant point d'interrogation?
Le moins que l'on puisse dire est que l'objet aperçu lundi trouve difficilement une explication naturelle. Ni ballon, ni planète, ni illusion d'optique (trop de témoins et trop distant pour parler d'hallucination collective), que reste-t-il alors comme possibilités?
Nous laissons à nos lecteurs le choix de conclure. Regrettons cependant que, parmi tous les observateurs, aucun n'eut l'idée d'alerter une station météo, ou même la base de Longvic.
Il eut peut-être été possible alors d'éclaircir le mystère et d'établir la nature de l'objet. Toutefois, si l'un d'eux a fait des mesures précises, à l'aide d'instruments (notamment en mesurant l'angle d'observation à heures différentes) nous lui serions reconnaissants de nous les faire connaître.
D'autre part, bien que de telles observations ne se répètent pas souvent, nous engageons vivement nos lecteurs qui seraient témoin d'un phénomène aussi nettement extraordinaire (notamment dans le cas d'un objet immobile) a aviser une station météo de la région. Il en existe à Dijon (Tél D2 74-08), Besançon, Châtillon, Auxerre et Mont-Saint-Vincent (Saône-et-Loire).
En cernant les "inconnues" du problème, il sera (peut-être) possible de le résoudre (partiellement!)
Ch. GARREAU
