L'article ci-dessous est paru dans le quotidien Le Provençal, France, le 23 juin 1966.
D'ABORD, à quelques secondes d'intervalles, deux petites boules grises dans le ciel. Puis, une tache de forme ovale, grosse comme deux fois la Lune, qui se colore et puis s'éteint."
Pour vérifier son propos, mon interlocuteur se réfère à l'étalon du poing. Bras tendu dans le prolongement de l'épaule: trois degrés entre deux phalanges. Une pièce de dix francs pour circonscrire la Lune.
C'est le geste de l'officier d'artillerie vérifiant la trajectoire du tir fusant de ces pièces.
Or, c'est précisément un officier supérieur de cette arme qui me parle. D'un étrange phénomène qu'il a pu suivre dans le ciel au cours de la nuit de vendredi à samedi dernier.
"Il était trois heures quarante, me dit-il. Je me trouvais sur la route des Alpes, un peu au-dessus d'Aix. La nuit était très sombre. Au ciel, point de nuages, puisqu'on y voyait les étoiles briller.
"Je fus tout à coup intrigué par l'apparition d'une boule blanche, côté sud-est.
"Est-ce la Lune?", questionna la personne qui m'accompagnait.
"La boule s'éclaira tout à coup davantage, puis perdit sa lumière. Une masse grisâtre resta en place, visible en clair sur le ciel sombre.
"20 à 30 secondes plus tard, même phénomène, mais plus rapproché, au témoignage de la dimension. Inscrit par rapport au premier dans la perspective de deux lignes fuyantes montant d'environ 45 degrés.
"Au bout du même laps de temps, ce fut enfin la manifestation la plus saisissante de cette triple succession d'effets. Toujours dans la constante de leur mouvement: cette grosse tache de forme ovale, grosse comme deux fois la Lune (diamètre à mon poing, 3 à 4 degrés). Elle apparut d'abord blafarde, ballon de rugby aux contours imprécis, comme à travers une brûme très dense.
"Puis la voilà, soudain, qui s'éclaire: de lueurs rouges et oranges, délavées, dans l'orbe supérieure, de nuances verdâtres dans sa partie basse.
"Les teintes luisent environ 5 secondes puis s'effacent. Un nuage oblong, gris sombre, s'immobilise sur le fond du ciel.
"Je m'attends à une quatrième projection, à la fois plus nette et plus dense, à l'aplomb de ma tête.
"Elle se produit, en effet, mais en rupture de direction. Vers l'Est. Et affecte, à peu près, les mêmes dimensions que la seconde.
"Un quart d'heure plus tard, les traces des trois derniers phénomènes étaient encore visibles, figées aux mêmes points dans le ciel.
L'homme qui me parle a travaillé à Colomb-Béchard et Hammaguir. Il connaît, tout au moins en matière d'explosions, les effets et les causes des divers phénomènes provoqués.
"J'ai pensé à un moment, me dit-il, à des explosions accompagnant la trajectoire de lancement d'un engin spatial. L'orientation m'y inclinait. Vérifications faites, j'ai pu établir, en effet, que l'azimut 140 degrés par lequel la première boule passait, longe la Corse, traverse la Sardaigne et atteint le golfe de Gabès. Au point même où stationnait le bâtiment chargé d'observer la mise sur orbite lors du lancement du dernier satellite français.
Il me m'est pas apparu, précise l'officier, qu'un objet quelconque ait pu exister à l'intérieur des nuages formés. Il s'agissait, du moins je le pense, des restes d'une combustion, comme pour un tir fusant.
"Mais alors, par saccades? ... Par projection espacées, comme par une "seiche" ? ...
"Par "pulso-réacteurs"?...
"Mais de quelle machine?"
Le mot "soucoupe" était dans l'air. Mais il n'a pas été prononcé.
L.P. SEMENE.