Des traces de vie découvertes dans un lac de l'Antarctique relancent le débat sur la vie extraterrestre. Europe, satellite de Jupiter, recèle aussi des étendues d'eau sous la glace. C'est l'un des sites les plus énigmatiques de la planète. Un lieu inviolé, invisible, glacé, qui pourrait abriter des formes de vie encore totalement inconnues. Il s'agit du lac Vostok, une immense étendue d'eau gisant sous des glaciers de l'Antarctique de l'Est, un écosystème isolé de l'atmosphère et de la lumière depuis au moins un million d'années. Pour les astronomes, cette petite mer invisible est un échantillon de ce qui se trame sur Europe, la petite lune de Jupiter, où l'on pense avec de plus en plus de raisons qu'existe un océan clapotant sous une croûte de glace.
En 1993, le radar du satellite européen d'observation terrestre ERS1 dévoilait la présence d'une étendue d'eau grande comme presque deux fois la Corse ensevelie sous quelque 3750 mètres de glaces à proximité de la station Russe Vostok, où ont été enregistrées les températures les plus basses du globe (jusqu'à -89°C). Avec une surface de 14000 km2 et un volume d'eau estimé de 1800 km3, c'est de toute évidence le plus vaste et le plus profond des quelque 80 lacs Antarctiques déjà recensés sous la calotte glaciaire.
En 1998, une collaboration russe, française et américaine effectue une campagne de carottage à Vostok, qui descend jusqu'à -3623 mètres, s'arrêtant à 120 mètres au-dessus de l'immense réservoir naturel, afin de ne pas contaminer le lac. Cette carotte, la plus profonde jamais réalisée, permet aux laboratoires de paléoclimatologie de reconstituer l'histoire du climat au cours des 400000 dernières années. "Mais en étudiant cette carotte, raconte Jean-Robert Petit, chercheur au Laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement de Grenoble, nous nous sommes aperçus que vers -3540 mètres et jusqu'à -3750 mètres, nous avions foré une couche de glace particulière, qui visiblement avait fondu puis regelé. Nous sommes à présent certains que cette eau glacée est passée par le lac." Sans violer la pureté du lac, les scientifiques ont désormais dans les mains un témoin des mystères de Vostok. "Cette glace de regel contient des éléments du lac, des sels et probablement des microbes", poursuit Jean-Robert Petit. Ce sont ces microbes, cette vie extrême espérée par tous, qui ont été l'objet d'analyse de la part de deux équipes américaines dirigées par John Priscu de l'université du Montana et David Karl de l'université de Hawaii.
Deux équipes de biologistes américains annoncent dans Science (10 décembre) qu'ils ont des indices importants prouvant que la vie prospère dans le lac. Une découverte qui fait immédiatement fantasmer les tenants d'une vie extraterrestre.
Sous les microscopes électroniques et dans les bacs d'incubation, la promesse a été tenue. Des bactéries par centaines ont été recensées par les deux équipes. Des bactéries qui prouveraient que la vie grouille littéralement dans le lac Vostok. L'équipe de David Karl compte ainsi 200 à 300 microbes par gramme, tandis que l'équipe de John Priscu avance le chiffre de 1000 à 10000 microbes par gramme.